UNE MONOGRAPHIE COMMUNALE EN 1899
S’intéresser à l’histoire de sa famille, de sa maison ou de son village c’est porter un regard sur le temps qui passe, sur un monde qui se transforme, sur des métiers, des mots, des objets qui disparaissent.
En contrepartie les techniques progressent, nous vivons mieux et plus longtemps, et si d’aventure la nostalgie nous gagne, la vie moderne nous donne accès à d’innombrables sources d’informations qui permettent à chacun de se transformer en chercheur, en historien en herbe.
Nous avons accès à la petite ou à la grande histoire, c’est ainsi que j’ai découvert sur le site des Archives de la Mayenne une monographie communale sur Ruillé Froid Fonds,
Elle existe pour la plupart des communes de la Mayenne ; elles ont été commandées en 1899 par l’Inspecteur d’académie à tous les instituteurs, avec pour objectif de les présenter à l’Exposition Universelle de 1900. Cette œuvre collective fut récompensée et nous permet aujourd’hui de connaître dans le détail l’image de nos communes à l’aube du XXème siècle.
Ecrite à la plume, d’une belle « main d’écriture » ces monographies sont le fruit de recherches minutieuses et étendues effectuées auprès de tous les habitants par ces « hussards de la République », comme les surnomma quelques années plus tard Charles Péguy. Elles mettent en exergue le principe « on aime bien ce que l’on connaît bien », but que nous recherchons aujourd’hui en donnant une courte synthèse de cette monographie pour donner l’envie de la découvrir et de connaître un pan de l’histoire de notre commune.
En1899, alors que le calvaire et sa grotte viennent tout juste d’être inaugurés Ruillé Froid Fonds compte 932 habitants (450 femmes et 482 hommes) dont 296 habitent le bourg. La population est majoritairement agricole, 670 travaillent comme patrons ou domestiques ; de nombreux métiers participent à la vie commerciale et artisanale de la commune. 11 sont hôteliers cafetiers, 2 sont épiciers et assurent la vente de draps, de chaussures et de chapeaux, 3 sont cordonniers, 10 travaillent le bois comme charrons et menuisiers, 9 participent aux métiers du bâtiment, 11 interviennent dans les métiers de l’habillement (tailleurs, couturières et lingères) et 2 dans « l’industrie de l’alimentation » sans doute les boulangers. 6 fonctionnaires et 4 employés de chemins de fer complètent cette population laborieuse. Seulement 18 habitants sont rentiers.
L’année précédente, 23 naissances, 7 mariages et 18 décès ont rythmé la vie de la commune.
La faune et la flore sont de qualité, la commune est boisée et giboyeuse, mais déjà notre instituteur, note que la tendance est au déboisement des champs (que dirait-il aujourd’hui ?) et que l’on plante des arbres fruitiers un peu partout. Il décrit avec maints détails le travail des agriculteurs et évoque les débuts de la mécanisation qui se généralise dans les grandes exploitations : faucheuses, râteleuses, moissonneuses et batteuses (mises en mouvement par trois ou quatre chevaux) permettent aux travaux d’être effectués plus rapidement mais apparaissent déjà comme « la principale cause de la dépopulation de la campagne ».
Certains agriculteurs se mettent à pratiquer la culture intensive et à utiliser des engrais chimiques(le superphosphate). Le cheptel bovin (1240 têtes) qui est « mauvais » est renouvelé notamment en utilisant des taureaux de la race Durham et grâce aux concours qui sont organisés.
La culture des céréales occupe une place de choix sur 1225ha dont 600 ha en blé, céréale dont le prix « n’est pas aussi rémunérateur qu’autrefois » et dont le rendement à l’hectare est de 18 hectolitres en grain et de 38 quintaux en paille. Cette baisse du blé entraine les agriculteurs à faire davantage d’élevage.
115 ans après, la culture intensive, le déboisement, l’utilisation des engrais, les cours des céréales, la dépopulation des campagnes n’ont fait que s’amplifier et restent d’actualité. La commune n’a plus de curé, plus de boulanger, plus d’épicier, mais elle a toujours sa mairie, ses cafés, son restaurant et son école.
Il faut aujourd’hui utiliser les leçons du passé pour construire l’avenir, lutter contre l’uniformisation, préserver nos paysages, notre patrimoine, éviter qu’ « avec le temps tout s’en va » comme le dit la chanson ; rappelons-nous aussi qu’en 1899 à Ruillé Froid Fonds la moyenne de la durée de vie était de 39 ans (il est vrai avec une mortalité infantile conséquente), qu’un ouvrier ou un employé gagnait environ 2 francs par jour et travaillait 12 heures.
Quelques années après, la guerre 14-18, dont nous commémorons cette année le centenaire, provoquera un carnage dont le bilan est effrayant ; les conséquences sur la démographie, et l’économie de nos villages sont désastreuses et se font encore sentir aujourd’hui. Ces 52 morts inscrits sur le monument aux morts avaient été pour la plupart les élèves et les enquêteurs de notre instituteur. L’histoire n’a pas retenu son nom mais nous fournit sa signature. Merci à lui
Michel Agaësse
Vous pourrez prochainement consulter les monographies en mairie !